vendredi 15 novembre 2013

« J’aime la règle qui corrige l’émotion » G. Braque (1882-1963)

Cela ne vous a sans doute pas échappé tellement cette exposition fait parler d’elle (d’ailleurs comme toutes celles au Grand Palais), une rétrospective de l’inventeur du cubisme, Georges Braque, se tient en ce moment, à Paris depuis le 18 septembre 2013 jusqu'au 6 janvier 2014.

Enchantée après l’exposition qui retraçait l’œuvre d’Edward Hopper l’année dernière, j’ai tenu à voir celle qui rendait hommage à Braque. Un silence qui a duré quarante ans. Après trois heures quinze d’exposition, je me demande comment une telle absence dans les programmations culturelles a pu être possible.
Lorsque j’y suis allée à la Toussaint, la foule était au rendez-vous, mais il était facile de circuler  dans les différentes salle (contrairement à l'exposition sur le nu masculin à Orsay dont je parlerai prochainement). J’avais réservé mon billet à l’avance. Après avoir attendu deux heures dans le froid l’année dernière pour Hopper, j’ai préféré anticiper ma visite. Je n’ai eu à attendre qu’un quart d’heure. Pour un euro de plus, cela vaut vraiment le coup.

L’exposition nous promène dans la vie et l’œuvre de l’artiste à travers seize espaces qui permettent de constater l’évolution de son travail, de ses recherches artistiques. C’est aussi l’occasion de se frotter au cercle intellectuel et artistique de l’époque car Georges Braque n’a pas seulement côtoyé Picasso. Car sans connaître Apollinaire, il n’aurait peut-être pas rencontré le peintre espagnol en novembre 1907. Il fréquente également des marchands d’art dont Daniel-Henry Kahnweiler qui organise la première exposition de Braque en 1908 où sont présentés des paysages géométrisés qui marquent le début officiel du cubisme. Il exposera aussi chez Léonce Rosenberg, Aimé Maeght et se liera d’amitié avec René Char à partir de 1947.

Cet article n’a pas pour vocation d’être exhaustif tellement la vie et l’œuvre de Braque ont été riches. Car il s’agit d’un artiste dont le travail a connu les deux conflits mondiaux. Il est d’ailleurs mobilisé et envoyé au front le 14 novembre 1914, dans la Somme. Suite à une blessure dans l’Artois en 1915, il cesse de peindre jusqu’en 1916. 

Son oeuvre s’est aussi bien concentrée sur des paysages, notamment dans ses débuts (le fauvisme : 1906/7), que sur l’illustration de la Théogonie d’Hésiode (œuvre antique qui relate la naissance des divinités) en 1932. En réalisant  le premier papier collé Compotier et verre en 1912 et sans compter les successives déclinaisons du cubisme qu’il expérimente : analytique (1909-1912), synthétique (1913-1917), on ressort de cette exposition qu'il n'y a pas un Braque mais Des Braque.



Zao (Néréide), 1931. Plâtre gravé. Saint-Paul, fondation Marguerite et Aimé Maeght




Il travaille le cubisme analytique en étroite collaboration avec Picasso. Véritable révolution esthétique, la couleur très présente dans la période fauviste de Braque, s’atténue et se réduit à des camaïeux de gris-beige. Les formes sont émiettées en facette.


Le Sacré-Cœur, 1909-1910. Huile sur toile. 55 x 40,5 cm. Villeneuve-d'Ascq, musée d'Art moderne.


Le cubisme dit synthétique car plus lisible est l’aboutissement de la technique des papiers collés que l’on retrouve par des aplats sombres.




La Joueuse de mandoline, 1917. Huile sur toile. 92 x 65 cm. Villeneuve-d'Ascq, musée d'Art moderne.


L'ultime reconnaissance vient de la requête d’André Malraux, alors directeur des musées de France ; en 1953, on confie à Braque le décor du plafond de la salle Henri II, au Louvre.

Pour terminer cet article je vous laisse méditer sur les propos de son ami René Char :
« Les enfants et les génies savent qu’il n’existe pas de pont, seulement l’eau qui se laisse traverser. Aussi chez Braque la source est-elle inséparable du rocher, le fruit du sol, le nuage de son destin, invisiblement et souverainement. »


M.

J'ai pris moi-même toutes les photos qui sont publiées puisque l'exposition l'autorisait pour certaines toiles.


lundi 4 novembre 2013

Vous avez dit prix littéraires ?

Aujourd'hui, treize heures, je viens à peine de rentrer chez moi quand mon smartphone reçoit cette notification de 20 Minutes : Le prix Goncourt est adressé à ... Pierre Lemaître pour son roman paru chez Albin Michel  Au revoir là-haut

Oui et alors ?

J'ai justement mentionné l'éditeur avant le titre du roman, puisque finalement, c'est la maison d'édition qui a dû se frotter les mains ! Et hop les ventes pour Noël sont assurées ! 400 000 tirages garantis !

Vive l'édition !

Vous aurez bien sûr compris mon point de vue sur ces prix. Ils sont une illustration, selon moi, du caractère mercantile de la culture ! Vous allez me dire "Mais enfin !, on ne vit pas au pays des Bisounours, un éditeur doit gagner sa vie !" Certes, mais que signifie ce prix ? puisque les magouilles semblent guider l'élection !

Il y a un prix (toujours selon mon humble avis) qui se distingue des autres et qui me semble plus juste : le prix Nobel de littérature. Il récompense toute une oeuvre et non un seul ouvrage. Il est la récompense d'un travail colossal, voire d'une vie. Ce prix grave l'auteur et son oeuvre dans une reconnaissance littéraire éternelle.

Cependant, je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut pas acheter le prix Goncourt et ceux qui le suivent, ni même que les romans qui ont reçu ces prix sont mauvais ! Mais il me semble qu'il s'agit davantage d'un coup de pub pour l'éditeur qu'une réelle récompense pour l'écrivain.

Bonne lecture !

M.

Source : Le site Babelio.


     Oh grand dieu, vois-je une attaque contre le monde de l'édition poindre dans cet article ? Moi-même étudiante dans ce (fameux) milieu éditorial, je devrais piquer une colère (noire, rouge, voire verte, à votre goût). Eh bien, au risque de vous décevoir, il n'en sera rien.

      Je ne saurais vous faire une liste exhaustive de tous les prix littéraires existants. Leur quantité en devient risible. « Et le prix littéraire de la meilleure nouvelle poétique de moins de six pages, écrite par un jeune auteur ayant moins de 25 ans est adressé à...». Quelques-uns possèdent encore un certain prestige littéraire : le Goncourt, le Renaudot, etc. Mais y a t-il un soupçon de sincérité dans la remise de ces prix ? Le milieu de l'édition est-il seulement hypocrisies, magouilles, et compagnie ? Le débat reste ouvert...

     À quoi servent-ils au juste ? Primo, ils apportent une reconnaissance littéraire à la maison d'édition et (surtout) à l'auteur. Le Goncourt 2013 en est un parfait exemple : Albin Michel n'est pas une maison qui reçoit beaucoup de prix, plus habituée à vendre des best-sellers que des ouvrages reconnus par le milieu littéraire (je précise qu'il n'y a aucun mépris dans mon propos). Ce Goncourt lui apporte aujourd'hui une nouvelle image... De plus, Pierre Lemaître est avant tout un auteur de livres policiers. Avec ce Goncourt, c'est le domaine du polar, dans son ensemble, qui est reconnu alors qu'il a été tant décrié... Ce prix reste dans l'imaginaire des auteurs une véritable consécration. Leur Saint-Graal. Bravo, bravo, votre travail est formidable. Et pourtant, de grands écrivains ne le recevront jamais... 
     Secundo, ils aident à lancer les ventes de l'ouvrage. Mais attention, mes chers amis, ce n'est pas la poule aux œufs d'or non plus ! Un petit Musso ou un petit Levy se vendra bien mieux qu'un Goncourt (autour de 180 000 exemplaires contre 400 000 exemplaires pour les premiers). Au-revoir là-haut fait néanmoins figure d'exception. Il est « un Goncourt populaire au bon sens du terme » selon Bernard Pivot. Déjà 120 000 exemplaires à l'annonce de la remise du prix. Lecteurs perdus dans une librairie, les prix littéraires influent sur vos achats : « Ah, tiens, le dernier Goncourt ! Que vaut-il vraiment ?... Allez, dans mon panier ». Et voilà encore un pigeon. Et, j'en fais partie ! Cela dit, certains ouvrages promus possèdent de véritables qualités littéraires. 

     Les prix littéraires, c'est l'arbre qui cache la forêt. La rentrée littéraire de septembre est déjà pensée, réfléchie, organisée en fonction de ces prix dès le printemps. On recherche l'auteur le plus à même d'emporter les faveurs des critiques littéraires, on publie des auteurs connus et reconnus plutôt que de nouveaux écrivains, etc. J'en passe et des meilleurs. Oui, le marché du livre est un marché commercial. Et oui, certaines maisons d'édition oublient l'exigence littéraire au profit de bénéfices financiers. Triste réalité. 

     Toujours est-il qu'aujourd'hui, vers 12h45, j'attendais, impatiente, la grande nouvelle : l'annonce du prix Goncourt. Risible à souhait, je l'admets. Ce fameux prix littéraire aura au moins eu le mérite de faire parler de littérature dans tous les médias nationaux. Il faut rendre à César ce qui est à César. 

D.