lundi 20 janvier 2014

- Michel Houellebecq. -

Source : Gala.fr

        Un mardi matin. Comme les autres - du moins, je le croyais. Notre professeure d'édition nous annonce, le cœur serré (ou presque), que Michel Houellebecq nous fera l'honneur d'intervenir dans le cadre de notre master. Aucune effusion de joie parmi les étudiants, quelques sourires seulement : nous allions échapper à un cours « classique », cela nous suffisait. Je ne connaissais Houellebecq que de nom. Ce n'était, à mes yeux, qu'un auteur contemporain parmi les autres - à cela près, qu'il était connu, contrairement à la majorité d'entre eux. Rencontre prometteuse en perspective et c'est peu dire. La rencontre fut ... surprenante.

     C'est donc un mardi matin qu'il est arrivé, de façon nonchalante. J'avais fait quelques recherches sur l'écrivain au préalable et lu l'un de ces ouvrages - La Carte et le Territoire, Goncourt 2010 - , histoire d'être fin prête. J'appris alors que Houellebecq était le stéréotype même de l'auteur contemporain : solitaire, décalé et un brin subversif malgré lui. 

    Houellebecq, le dos courbé, est monté sur l'estrade de l'amphithéâtre Richelieu. À demi-réveillé, intimidé, ailleurs. La professeure d'édition avait décidé d'orienter la discussion sur le milieu éditorial. Jusque là, rien de bien surprenant. Houellebecq ayant un passé éditorial assez atypique - des Editions de la Différence à Flammarion, en passant par les Editions Maurice Nadeau et Fayard - la rencontre s'annonçait intéressante. Elle s'annonçait, seulement. Houellebecq, en écrivain introverti qu'il est, a pris le parti de répondre de façon vague, voire de ne pas répondre du tout, aux questions que la professeure tentait, en vain, de lui poser. 

     Les quelques informations que j'ai pu en tirer sont, pour le moins, étonnantes. Il nous a appris que la mort de Maurice Nadeau, en juin dernier, ne lui avait pas fait grand chose - Maurice Nadeau qui est, tout de même, un éditeur reconnu voire admiré dans le milieu. Avec un aplomb formidable, il a aussi estimé que Marc Lévy était un génie comparé à Guillaume Musso. Lévy, un génie. Il m'aura fallu attendre toutes ses années littéraires pour entendre cela. Sans aucun remords, il nous a annoncé que la lecture des manuscrits - qui est à la charge, dans la grande majorité des cas, des étudiants stagiaires en maison d'édition - se faisait de façon lamentable et que, par conséquent, de nombreux écrivains restaient dans l'ombre. Houellebecq, le tact incarné. Il s'est également révolté lorsque la professeure a osé lui dire que Beigbeder, ami de Houellebecq, adoptait une posture de dandy littéraire. Enfin, « révolté », tout est relatif. Il s'est énervé autant qu'il le pouvait. Houellebecq n'est pas connu pour son énergie débordante, loin de là. D'ailleurs, cette rencontre a vite tourné au cauchemar pour les étudiants : Houellebecq ne parle pas, il marmonne. La plupart d'entre nous ont abandonné au bout des dix premières minutes. Pour ma part, je suis venue, j'ai vu et j'ai vaincu. Rien que cela.

     Il est parti comme il est arrivé : le dos courbé, sans trop comprendre ce qu'il était venu faire là, parmi toutes ses têtes blondes. Définitivement ailleurs, Houellebecq n'en est pas pour autant « un ennemi public  », comme il l'a estimé dans un de ses ouvrages. Il dit simplement ce qu'il pense sans prendre en considération son auditoire, même si ses idées ou ses opinions sont en décalage avec la réalité. À se demander s'il appartient véritablement à notre monde. Houellebecq, un être à part. Il m'aura au moins fait sourire durant cette rencontre, bien que malgré lui.

D.