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Source : Gala.fr |
Un
mardi matin. Comme les autres - du moins, je le croyais. Notre
professeure d'édition nous annonce, le cœur serré (ou presque),
que Michel Houellebecq nous fera l'honneur d'intervenir dans le cadre
de notre master. Aucune effusion de joie parmi les étudiants,
quelques sourires seulement : nous allions échapper à un cours «
classique », cela nous suffisait. Je ne connaissais
Houellebecq que de nom. Ce n'était, à mes yeux, qu'un auteur
contemporain parmi les autres - à cela près, qu'il était connu,
contrairement à la majorité d'entre eux. Rencontre prometteuse en
perspective et c'est peu dire. La rencontre fut ... surprenante.
C'est
donc un mardi matin qu'il est arrivé, de façon nonchalante. J'avais
fait quelques recherches sur l'écrivain au préalable et lu l'un de
ces ouvrages - La
Carte et le Territoire,
Goncourt 2010 - , histoire d'être fin prête. J'appris alors que
Houellebecq était le stéréotype même de l'auteur contemporain :
solitaire, décalé et un brin subversif malgré lui.
Houellebecq,
le dos courbé, est monté sur l'estrade de l'amphithéâtre
Richelieu. À demi-réveillé, intimidé, ailleurs. La
professeure d'édition avait décidé d'orienter la discussion sur le
milieu éditorial. Jusque là, rien de bien surprenant. Houellebecq
ayant un passé éditorial assez atypique - des Editions de la
Différence à Flammarion, en passant par les Editions Maurice Nadeau
et Fayard - la rencontre s'annonçait intéressante. Elle
s'annonçait, seulement. Houellebecq, en écrivain introverti qu'il
est, a pris le parti de répondre de façon vague, voire de ne pas
répondre du tout, aux questions que la professeure tentait, en vain,
de lui poser.
Les
quelques informations que j'ai pu en tirer sont, pour le moins,
étonnantes. Il nous a appris que la mort de Maurice Nadeau, en juin
dernier, ne lui avait pas fait grand chose - Maurice Nadeau qui est,
tout de même, un éditeur reconnu voire admiré dans le milieu. Avec
un aplomb formidable, il a aussi estimé que Marc Lévy était un
génie comparé à Guillaume Musso. Lévy, un génie. Il m'aura fallu
attendre toutes ses années littéraires pour entendre cela. Sans
aucun remords, il nous a annoncé que la lecture des manuscrits - qui
est à la charge, dans la grande majorité des cas, des étudiants
stagiaires en maison d'édition - se faisait de façon lamentable et
que, par conséquent, de nombreux écrivains restaient dans
l'ombre. Houellebecq,
le tact incarné.
Il s'est également révolté lorsque la professeure a osé lui dire
que Beigbeder, ami de Houellebecq, adoptait une posture de dandy
littéraire. Enfin, « révolté », tout est relatif. Il
s'est énervé autant qu'il le pouvait. Houellebecq n'est pas connu
pour son énergie débordante, loin de là. D'ailleurs, cette
rencontre a vite tourné au cauchemar pour les étudiants :
Houellebecq ne parle pas, il marmonne. La plupart d'entre nous ont
abandonné au bout des dix premières minutes. Pour ma part, je suis
venue, j'ai vu et j'ai vaincu. Rien que cela.
Il
est parti comme il est arrivé : le dos courbé, sans trop comprendre
ce qu'il était venu faire là, parmi toutes ses têtes
blondes. Définitivement ailleurs, Houellebecq n'en est pas
pour autant « un ennemi public », comme il l'a
estimé dans un de ses ouvrages. Il dit simplement ce qu'il pense
sans prendre en considération son auditoire, même si ses idées ou
ses opinions sont en décalage avec la réalité. À se
demander s'il appartient véritablement à notre monde. Houellebecq,
un être à part. Il m'aura au moins fait sourire durant cette
rencontre, bien que malgré lui.
D.
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